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Ravalement, ravalement, ravalement… PRD… ravalement, la RB… ravalement, les KOteurs… ravalement, tout le monde… ravalement. Oui. On chante, on danse le décalé coupé ivoirien avec quelques années de retard. Oui, nous sommes bien au Bénin et, rassurez-vous, ça ne fait que commencer. Ils sont nombreux à découvrir la mode ravalement et certains se sont enfermés depuis des jours pour s’entrainer à maitriser la technique et les pas. Aux commandes, passé maître dans l’art, le patron du PRD himself.

Sérieusement, si nous étions au cinéma, le spectacle abject auquel se livre une large partie de notre classe politique ces jours derniers serait interdit aux moins de cinquante ans. Tant l’impudeur, la trivialité, le grotesque, la saleté, l’effronterie, l’arnaque, la clochardisation, le pourrissement dans cette arène-ci sont sans limite. C’est terrifiant.

Tenez : le chien de mon oncle s’appelait Whisky, comme l’alcool. Un animal haut de près d’un mètre, tout en muscles, une belle bête. Whisky ne mangeait jamais les restes que nous nous amusions à lui jeter. Il pouvait sauter pour attraper au vol quelques pattes de poulets dégarnies. Mais dès que ça touchait le sol, il s’en détournait. On aurait dit qu’il méprisait tout ce qui touchait le sol. Il couvrait ses vomis avec du sable en creusant la terre, comme un rat. C’était un chien propre, à tel point que nous l’appelions yovovoun : le chien du blanc. Bref ! Ici on ravale vomis et crottes d’il y a 41 jours. Sans état d’âme ! Et, devant les caméras s’il vous plait.

Je veux dire, et on le voit bien, qu’il y a des chiens qui ont plus de pudeur, plus de classe que certains de nos hommes politiques. Il y en a qui, passez-moi l’expression, ont le syndrome des miettes et qui s’étalent parterre pour aller les chercher. Des bouffe-tout. Ils courent d’un maître à un autre par peur de rater le plus petit morceau. Ils ont fait leur carrière politique comme des athlètes infatigables et des acrobates surdoués. C’est cela le houngbédjisme. Je l’avais relevé il y a un peu plus d’un mois et certains compatriotes de bel esprit ont pensé que j’étais dans l’excès. Ce que nous ne savions pas jusqu’à présent c’est le temps que ce système allait mettre pour nous faire des enfants. Nous voici servis. Surtout ne les jugeons pas. Ne leur demandons pas pourquoi. Essayons de les comprendre et, peut être les accepterons-nous avec philosophie et sourire.

Ce que vous faites vous fait.

L’habitude est une seconde nature. Cela vaut pour l’humain uniquement dit-on. Les habitudes ici sont, osons le dire, ignobles, des cas d’école. Cela a pour corollaire que l’homme politique béninois a presqu’entièrement perdu aux yeux de l’opinion, le statut de serviteur du peuple au profit de celui, peu flatteur, de parasite et de jouisseur. Dès lors qu’on a émis un vote au profit de quelqu’un, l’on se croit légitime d’aller lui tendre la main aussi souvent que possible, parce que l’on est persuadé que celui-ci en prend beaucoup à l’Etat. D’où les rangs devant le domicile des députés, des  ministres et que sais-je encore. Il s’agit bien là d’une corruption tacite généralisée voire tolérée. L’autorité politique qui passe trois mois à son poste et n’a pas construit son énième maison est perçue comme un idiot. Une image de profiteur qui ne dérange plus mais surtout une perversion que le « nous n’allons pas faire l’opposition » manifeste  vient renforcer.

Le drame des recyclages 

Certes, la nature de la classe politique béninoise n’est pas uniforme, heureusement. Cependant, dans un contexte invariable où les protagonistes sont à quelques têtes près les mêmes depuis vingt - vingt cinq ans, cette nature dominante, devient un danger qui opère insidieusement contre elle-même. En politique comme en entreprise cela s’appelle la sclérose. Elle est détestable pour la simple raison qu’elle est, bien souvent, assimilable à la bête qui s’alimente de son propre souffle. Dans le meilleur  des cas, elle finit par s’étouffer secrètement, dans le pire, elle explose en emportant avec elle les rêves, les espoirs, les fois… tout. L’onde de choc qui en découle est autrement plus dévastatrice parce qu’elle avale des générations entières. Il en fut ainsi successivement de la révolution de 1972 dont nous traînons encore les séquelles, laquelle révolution explosa en 1989,  ainsi du système de Kérékou reconverti et du système Yayi. Ces deux systèmes ont vraisemblablement  utilisé les mêmes ressources humaines et ont connu des fins de règne presque identiques, j’allais dire tragiques. Et je suis généreux.

Etranges destins en effet que sont les leurs ! C’est à peine si l’on ne plaint pas Kérékou et Yayi d’avoir eu des collaborateurs aussi prompts à sauter de leur navire pour le suivant. Cette attitude laisse croire, je prends là le risque de déplaire à quelques amis, que s’ils n’ont pas coulé le navire eux-mêmes, ils n’ont pas fait grand chose non plus pour le maintenir à flot. Certes, il faut se garder de vite généraliser, éviter des amalgames préjudiciables à quelques réputations chéries des dieux… pour ne pas faire du tort à ceux qui parmi eux sont des victimes. Du reste, visiblement.

 Comment affronter un héritage indéfendable ?

De toute évidence, notre classe politique dans son ensemble pose quelques problèmes non d’éthique et de morale, mais de modèle et d’exemplarité. Les deux premiers relèvent de l’intime, sont donc difficiles à mesurer alors que les deux derniers sont perceptibles, doivent normalement répondre aux exigences des peuples. Il ne s’agit pas de faire du terrain politique un lieu saint, il ne le sera jamais. Mais, d’éviter autant que le faire se peut, une nouvelle explosion. Vu l’héritage de Kérékou et de Yayi : un taux de chômage qui avoisine les 73% de la population active dont plus de 60 % ont moins de 35 ans. Les jeunes béninois diplômés et non diplômés se sont transformés en conducteurs de zémidjan et  en trafiquants des carburants de contrebande pour survivre.

Le peuple béninois est devenu un peuple de petits commerçants et de débrouillards sans logis décents, des faiseurs de miracles dont on se moque par ailleurs. Si l’on remet aux commandes les mêmes qui nous ont légué cet héritage parce qu’ils ont eu l’ingéniosité de sauter du navire Yayi six mois plus tôt pour se refaire une virginité, si l’on recycle les mêmes médiocres que nous avons contestés et combattus aux côtés du peuple souverain, cela signifierait que l’on est satisfait de leur héritage, qu’il y a des risques de voir cet héritage indéfendable parce que cruel, grossir. Si l’on procède ainsi, non seulement l’on se serait mis la corde au cou comme Kérékou et Yayi mais l’on aurait berné le peuple. Il est à parier que la prochaine explosion prenne des allures non d’un nouveau départ mais d’une vraie révolution populaire. J’ai déjà vu une révolution ; elle ne fait de cadeau à personne.

On a beau fait de la politique, il est un pouvoir avec lequel il ne faut pas jouer continuellement : l’aspiration d’un peuple. Elle peut vous porter au pouvoir en une journée ; elle est aussi capable de l’inverse.