HOLLANDE LE GRAND
Ainsi les français ne lui auront pas pardonné de s’être livré au monde tel qu’il est : ‘’pas assez requin’’, humble jusqu’à l’éffacement.
‘’C’est le plus beau jour de ma vie’’. Alors en visite officielle à Bamako, Hollande ‘’ le Président normal’’ eut ses mots sincères et humains à l’attention d’une foule hystérique qui le chantait chaleureusement, l’embrassait affectueusement, étalait sur son itinéraire des pagnes couteux et richement brodés, lui baisait le dos de la main pour le remercier de l’avoir sauvée des affres ignobles d’un groupe de rebelles ‘’surdrogués’’ qui marchait tout droit sur Bamako. Il était loin de se douter que cette petite phrase déplairait à Paris au point de lui coûter quelques points dans les sondages. Aux yeux de l’establishment français le Président Hollande, en laissant parler son cœur au milieu d’africains (éternels obligés, commis et valets), s’est rabaissé, a rabaissé la fonction de Président de la puissance colonisatrice, il a déshonoré la France. Certaines personnalités-reliques de la classe politique française traditionnelle ne se sont pas privées de le dire publiquement.
Ensuite, Hollande ‘’le Président normal’’ eut la malheureuse idée d’entretenir des relations amoureuses avec des ‘’femmes normales’’ dont la plus bavarde, à peine sorti de son lit, alla raconter sur la place publique la taille et la rondeur des entrejambes présidentiels. Ses histoires de coucheries étalées dans la presse mondiale ne viendront rien arranger ; bien au contraire. Hollande aura beau se ‘’casquer’’ derrière une moto banalisée pour aller profiter en plein jour des massages de sa Julie, cela ne suffira pas à convaincre les français de sa normalité. Pour cause, il est en politique. La mauvaise foi manifeste étant bien française aussi, ceux d’entre eux qui sont convaincus de sa normalité, de son humanité, le lui reprochent parce qu’ils y ont intérêt.
L’adversité en politique prend bien souvent la forme de l’acharnement. Et, nous savons que le ôte-toi que je m’y mette, même quand elle est peu audible, reste redoutablement nuisible. On le voit, les proches collaborateurs de Hollande n’ont pas arrêté de jouer des coudes pour le pousser vers la sortie.
Le ôte-toi que je m’y mette à la française.
De toute évidence, si les sondages sont si sévères contre Hollande, ce n’est pas à cause de sa politique mais bien à cause des considérations liées à l’intrinsèque. Elles ont pesé visiblement beaucoup plus que ses résultats. Ceci s’est fait d’autant plus facilement que la campagne de dénigrement contre Hollande aura été l’une des plus impitoyables : Ses vestes trop courtes, ses cravates décalées, ses lunettes étrangères, ses joues rondes, son ventre tombant, sa voix de jeune garçon à peine pubert, son manque d’autorité, bref ! Il passe à la moulinette tous les jours. Et les attaques ne proviennent pas que des adversaires politiques déclarés ; ses amis abreuvent régulièrement la presse de confidences croustillantes sur leur copain de ‘’Président normal’’.
Au demeurant, ce que l’on a amené la grande majorité des français à reprocher à François Hollande au point de le faire passer pour le dernier dans les sondages d’opinion à six mois de la fin de son mandat, c’est ce qu’il est, non pas ce qu’il fait. Or, un Président est un employé ; le premier de la République certes mais employé quand même. Et, comme tout employé il devrait être jugé sur la base de ses résultats. Je ne suis pas certain que si les français devraient juger leur premier employé sur la base de son bilan et de ses résultats, qu’ils le congédieraient.
‘’Courbe du chômage’’ le beau prétexte !
Pendant que l’on plébiscite François Fillon qui, lui, veut supprimer cinq cent mille postes de fonctionnaires, on fait, dans le même temps à Hollande qui aura stabilisé les chiffres du chômage constamment en hausse avant son mandat, le procès de n’avoir pas réussi à inverser la courbe du chômage comme il l’a promis. Le premier, menace de fermer les portes du service public aux jeunes chômeurs français - le second a promis d’arrêter la saignée et n’y est pas parvenu malgré des efforts remarquables. Et le peuple français s’apprête pourtant à le remplacer par le premier. Hallucinant !
Le livre de sa mort politique ???
‘’Un Président ne devrait pas dire ça…’’ c’est le livre qui l’aurait achevé. Hollande en validant ce titre qui lui a été proposé par les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, semble assumer entièrement sa nature et ses choix. « Réfutant la comparaison avec Sarkozy, il explique : Il y a plusieurs différences. D’abord, il n’y a aucun système, rien qui soit un mécanisme de financement politique, ou électoral, ou personnel. Deuxièmement, il n’y a aucune protection qui soit accordée à qui que ce soit. Troisièmement, la justice et la presse font leur travail jusqu’au bout. Quatrièmement, quand un individu est approché par la justice, il est remercié. C’est ça les grandes différences qui doivent être rappelées. Après, dans toutes les Républiques, partout, il y a toujours des gens qui manquent à la règle. Il y a ceux qui arrivent à s’échapper et ceux qui n’arrivent pas à s’échapper. On ne doit plus arriver à s’échapper. Tout ce qu’on a mis en place doit conduire à ça. » Extrait de : ‘’Un Président ne devrait pas dire ça’’ Page 308. Précis et franc. Ce livre n’aurait posé aucun problème dans un contexte débarrassé d’hypocrisies puériles et vaines.
L’on est ce qu’on est. Humain, pudique, humble, sincère, attentif à l’autre, respectueux, scrupuleux, délicat… François Hollande me semble être tout cela à la fois. N’en déplaisent aux requins qui lui reprochent son manque de férocité. N’en déplaisent aux monstres froids et insatiables qui lui reprochent son manque de boulimie. Hollande a le droit d’être HUMAIN, précaire et révocable, un être normal, un Président normal. Hollande a le droit de détester le goût du sang. J’ai vu la France reculer successivement, au Burkina Faso, face à une jeunesse révoltée ; au Bénin, face à un peuple debout contre l’intolérable insulte ; au Gabon, quand on lui a fait le lit pour y semer le chaos ; à Dakar, quand le franc cfa a été mis en accusation. Cette France là, qui est à l’écoute du monde, ressemble à son Président ; c’est une France humaine, c’est une grande France parce que dirigée par un Grand Homme. Nul doute que nous allons la regretter bientôt.
La leçon de Hollande aux dirigeants africains
Aveu d’échec, résignation ou simple fatigue, lui aussi, sans doute secrètement déçu et blessé profondément par un millier de chocs, on dira ce qu’on voudra d’un homme dont la décision aura révélé aux yeux de tous, l’envergure : un homme d’Etat, un grand homme d’Etat.
En renonçant de façon aussi inattendue à briguer un deuxième mandat, François Hollande démontre, non seulement qu’on peut placer bien haut la fonction Présidentielle, mais il envoie un message historique à toute la classe politique française et, plus loin, aux dirigeants africains qui prennent leurs constitutions pour des copies de collégiens, gribouillards et grands spécialistes devant l’Éternel des tripatouillages les plus sordides. Tant il est vrai que ‘’Le pouvoir appartient au peuple’’. Je vais y revenir.
Ousmane ALEDJI