• Publié en
  • Hits: 3507

Entretien avec Ousmane ALEDJI à propos de la pétition ‘’La paix par un autre chemin’’

LES PREDATIONS FINANCIERES SONT AUSSI DES FACTEURS DE VIOLENCES

« Quand les communautés peuvent boire à la même source, peuvent fréquenter les mêmes écoles et les mêmes hôpitaux, elles  ne pensent pas à s’entretuer à coup de machettes. La misère, le chômage des jeunes, la grande pauvreté sont des facteurs de conflits et de violences dans le monde. » Lisez !

 Monsieur ALEDJI, vous vous êtes engagé depuis juin 2016, aux côtés du Professeur Albert Tévoédjrè avec une pétition dénommée « la paix par un autre chemin ». Vous envisagez pour cette pétition d’ailleurs, 1 million de signatures. Environ trois mois après le lancement officiel du projet, à combien de signatures êtes-vous ?

Avant d’en arriver à votre question, permettez-moi  de remercier ceux qui adhèrent à cette cause. Il ne s’agit pas que de signature, il s’agit de s’engager. A l’Etat béninois qui soutien  l’initiative africaine de la paix par le dialogue interreligieux et interculturel que conduit le Professeur Tévoédjrè, je dis toute ma gratitude. La pétition est une émanation de cette initiative. Merci a M Pierre Ezin notre ancien représentant à la CEDEAO. Il était récemment en Centrafrique pour présenter cette pétition au Président centrafricain. Au Bénin, cette pétition a reçu l’onction de quelques membres du gouvernement qui l’ont signée, notamment le ministre d’Etat Koupaki et le ministre des affaires étrangères, monsieur Agbénonci et tous les membres de son Cabinet. J’espère que l’Etat béninois et son chef vont  porter avec nous, cette cause jusqu’au bout.

Combien de signatures avez-vous déjà enregistré ?

Nous tournons actuellement autour de 4.000 signatures cela est rare ; il y a des pétitions qui sont en ligne depuis un an et qui n’ont même pas 200 signatures.  Et je dois préciser que ça, c’est seulement Cotonou. Nous n’avons pas encore fait le point des signatures venant de l’intérieur du pays. Or, nous avons des gens à  Porto-Novo, à Abomey et à  Parakou qui collectent des signatures. Nous allons faire un premier rappel  des registres bientôt. Je pourrai vous donner des chiffres précis.

On a bien l’impression  que votre pétition ne cible que les leaders politiques et les leaders d’opinion. On dirait que pour vous, le citoyen lambda n’a pas sa place dans l’engagement pour la paix.

Non, pas du tout. C’est tout à fait le contraire. Nous utilisons les leaders d’opinion, les leaders politiques, les responsables des communautés et les têtes d’affiche pour mobiliser rapidement et largement l’opinion nationale et internationale. Nous avons mis en place aussi un système d’enregistrement et de collecte dans les registres pour permettre à ceux qui n’ont pas d’outil informatique de signer.

Si vous avez les 1 millions de signatures attendues, quelle sera la finalité ?

Changer le monde ! Essayer de le faire. Je suis sérieux. Vous savez, la raison d’être même de l’Organisation des Nations Unies (ONU), c’est la préservation de la paix dans le monde. Et l’on imagine bien que des efforts se font dans ce sens depuis une éternité. Sauf qu’à la lumière de ce qui se passe aujourd’hui, on peut dire que ces mécanismes ont montré leurs limites. Notre univers est de plus en plus en feu. La violence est partout. Le nombre de gens qui n’ont plus rien à perdre augmente tous les jours. Il nous faut donc changer de méthode. Nous avons besoin de 500 mil signatures pour faire inscrire à l’ordre du jour des sommets réunissant les chef d’Etat et de gouvernement et les amener à débattre du sujet. C’est notre façon de les amener à agir.

En quoi faisant par exemple ?

En luttant contre la grande pauvreté. En défendant notre thèse au niveau des Nations Unies et en insistant pour que cette thèse fasse l’objet d’une résolution des Nations Unies. En mobilisant des financements pour intervenir à titre préventif dans les lieux de conflits par la construction massive des infrastructures sociocommunautaires et utilitaires. Quand les communautés peuvent boire à la même source, peuvent fréquenter les mêmes écoles et les mêmes hôpitaux, elles  ne pensent pas à s’entretuer à coup de machettes. La misère, le chômage des jeunes, la grande pauvreté sont des facteurs de conflits et de violences dans le monde.

L’une des principales menaces pour la paix dans le monde aujourd’hui, c’est bien le terrorisme international. Et nous savons très bien que ce sont des extrémistes qui ne transigent pas  avec leur idéologie. Quels impacts cette éventuelle résolution de l’ONU pourrait avoir sur ces terroristes qui font trembler aujourd’hui  le monde ?  

Le terrorisme est l’une des formes de violence que nous observons mais il n’est pas le seul et il fait moins de victimes que les guerres, la malnutrition et les épidémies. Regardez ce qui se passe au Soudan du Sud, en Lybie, en Centrafrique, au Congo RDC, en Somalie, en Syrie, ce qui s’est passé en Côte-d’Ivoire ; en Haïti certains mangent la terre pour survivre. Vous trouvez ça normal ?

Pourtant l’on ne parle que de terrorisme.

A cause de la mise en spectacle du crime. Les ‘’médiafabriques’’… Maintenant, Le terrorisme, parlons-en. Où est-ce que les djihadistes vont-ils faire leurs recrus ? C’est bien au sein d’une catégorie de gens très pauvres, des jeunes qui n’ont plus rien à perdre. Autrement dit, avant que le débat ne devienne religieux, il est d’abord humain. Regardez autour de vous, l’écart entre les pauvres des différents continents est infini. Tout cela doit nous interpeller. Les prédations financières sont aussi des facteurs de violences. Quand un avion vous survole pour aller charger frauduleusement l’or et le diamant chez vous alors que vous, vous manquez d’eau potable, vous n’avez pas à manger, bien qu’étant propriétaire de diamant et d’or, cela fini par vous révolter. Evidemment, ce sont des sujets que personne ne veut aborder. On choisi ce qu’on diffuse dans les médias pour nous conditionner.

Pourquoi ?

Ainsi va notre monde.

Vous êtes devenu idéaliste.

Oui. C’est pour ça que je me ruine. Et vous ? Vous ne vous êtes jamais demandé quel monde nous allons laisser à nos enfants ? Voilà… la pétition. Ce n’est pas être idéaliste c’est s’investir, croire encore en l’humain, croire le changement possible, espérer.

On vous connaît comme rebelle de par vos positions sur des questions d’actualité. Aujourd’hui, vous vous engagez aux côtés des gens qui constituent inévitablement des lobbies. Et là, on a bien peur de perdre le "Ousmane Alédji"  que nous connaissions particulièrement libre de ses opinions. Avons-nous des raisons d’avoir ces craintes ?

Rebelle… vous allez faire peur à mes amis. Effectivement, je réalise de plus en plus que ma liberté d’expression est un peu altérée. Je m’abstiens d’opiner pour l’instant sur des sujets politiques pour ne pas compromettre la nouvelle dynamique que je porte et qui me semble prioritaire. Je sacrifie donc un peu de cette part de ma liberté pour porter une cause qui me semble urgente et noble. Vos craintes sont justifiées. J’avoue que ça me démange et me démange de partout.  Mais quand vous portez un élan, que des milliers de gens vous font confiance, vous faites attention. Je ne range pas mes convictions pour autant.

Merci monsieur ALEDJI

C’est moi.

Propos recueillis par Donatien GBAGUIDI